La Fenêtre Christian Rau |
Névache - Brianconnais Curiosités stratégiques... |
La ligne Maginot des Alpes a souvent été oubliée dans les livres d'histoire. On connaît bien les installations des frontières du nord-est, mais on oublie généralement celles qui continuaient cette ligne de défense du Jura à la Méditerranée! La frontière naturelle que constituaient les Alpes était pourtant hautement stratégique. Le Col de l’Échelle est le plus bas passage des Alpes occidentales, très emprunté par les migrants piémontais (évoqués également par Pierre Magnan dans son roman L’Aube Insolite).
Dès leur création, les Chasseurs Alpins avaient choisi en 1888 la Vallée de la Clarée comme terrain de manœuvres. L’armée a imprimé sa marque dans la vallée (cf Gabrielle Sentis) par les sentiers qu’elle y a créés et les ouvrages militaires qu'elle y a élevés.
Citons-en quelques-uns:
- le poste des Acles, construit en 1891-1892,
Poste des Acles
- le camp de la Paré, dit également fort des Rochilles (au Seuil des Rochilles), qui en 1931 reçoit deux casemates dotées de fusils mitrailleurs et de lance-grenades et un observatoire. Bien repérable lorsque l’on parvient au lac de la Clarée, il était destiné à protéger la Savoie d’une éventuelle incursion par le col des Muandes. Ce fut le départ de l’actuel Champ de Tir des Rochilles.
Fort du Seuil des Rochilles
- Le Fort de l’Olive (1881-1883), poste stratégique insuffisamment protégé (pas de carapace bétonnée) devait protéger le Col des Thures, le Col de l’Échelle et le Col des Acles, soutenu plus tard en amont par le
Situation du Fort de l'Olive
- Fort de Lenlon (1892) - ou L’Enlon - beaucoup plus résistant, car solidement bétonné.
Fort de Lenlon (vu du Granon)
Le Fort de l'Olive a
d’ailleurs été atteint et partiellement détruit en avril 1945
par des gros obus tirés par les Allemands (juste avant la libération
de la région) depuis Bousson (Italie). Plusieurs vestiges et récits
témoignent de la vie dans ce fort: four à pain, benne suspendue à
un câble à traction animale depuis le village de Plampinet... Un
dispositif optique lui facilitait la communication avec le poste des
Acles… Son occupation a duré de 1924 jusqu’à la Seconde guerre
mondiale.
Quand l’Italie déclara la guerre, le 10 juin 1940, les villages de la vallée de la Clarée furent évacués , et on fit alors sauter tous les ponts. Les habitants les réintégrèrent lors de l’armistice signé le 24 juin 1940. Les villages furent occupés successivement par les Italiens en novembre 1942 puis par les Allemands en septembre 1943.
En juin 1940, les Italiens ont cherché à neutraliser le Fort de l’Olive depuis la Jafferau (Bardonnèche), et le Chaberton. Dans l’entre-deux guerres, ils avaient installé un important système de défense: de puissantes batteries de tir au pied de l'Aiguille Rouge, par laquelle passait à l'époque la frontière. Ils mettaient cependant peu d’ardeur à attaquer, et étaient également desservis par la persistance d’un brouillard qui devait jouer en faveur des Français. On note tout de même quelques duels d’artillerie, mais un nombre comparativement faible de victimes.
La défense française s’en tenaient à quelques emplacements de guet et de tirs depuis les casemates légères - surnommées “pilules briançonnaises” par leur forme - et des abris bien équipés contre les bombardements. En 1944, alors que la France avait été largement libérée, on se battait encore au Col de l’Échelle (Bataillon Berthier).
A la Libération, les
Allemands se sont retranchés (septembre 1944) sur les crêtes,
bombardant régulièrement Névache. Le traité de paix de 1947 avec
l’Italie allait plus tard donner la Vallée Étroite à la France,
vallée au statut particulier puisque devenue partie intégrante de
la commune de Névache, mais encore peuplée d’Italiens. La
construction de la Route de l’Échelle sur le versant nord du col
est assez récente (1968), attestant de la bonne entente retrouvée
entre Italiens et Français ! En 1992, la Vallée Étroite était
classée à son tour !
La sortie de découverte de ce 10 août 2013 au col de l’Échelle.
Organisée par Jean-Gabriel Ravary, guide de haute montagne, en collaboration avec Roger Revuz, professeur d'histoire, cette sortie de découverte des lieux stratégiques du Col de l’Échelle réunissait une vingtaine de personnes. Les lampes frontales étaient vivement conseillées pour parcourir les salles et galeries souterraines souvent jonchées de gravats et plongées dans une obscurité complète.
Un premier arrêt dans la montée du sentier de l'Aiguille Rouge depuis le Col de l'échelle devant des murets de pierres dotés de meurtrières.. Il s'agit vraisemblablement d'anciens éléments de la ligne de défense Berwick datant du début du 18e siècle...
Il faut se représenter qu'en 1940 la forêt n'était pas aussi importante en cet endroit . Les blockhaus du Briançonnais sont beaucoup plus récents, et datent généralement des années 30 .
Sur les hauteurs à l’est de la route, au pied de la falaise, nous avons visité un abri construit pour les troupes françaises. Le toit de cet abri a été construit avec la technique des voussoirs du métro: une technique qui a largement fait ses preuves. Cet abri devait être particulièrement solide, puisqu'il a pu résister à la chute toute récente d'un rocher de plusieurs tonnes. L’abri (comme les abris et blockhaus suivants) était équipé de systèmes d'aération indispensables à la survie des soldats, ainsi que d’autres conduites techniques.
Abri de la défense française au Col de l'Echelle
Nous nous sommes ensuite déplacés jusqu'au site du Mauvais Pas (ou Malpas) où se trouvent d'importants vestiges des fortifications italiennes. Au-dessus du Mauvais Pas, en haut du talus situé sous les falaises de l'Aiguille Rouge, était également aménagé un hôpital militaire. Plus bas on aperçoit nettement trois ouvertures de casemates d’artillerie italiennes, creusées dans le rocher .
Batteries italiennes sous l'Aiguille Rouge
Visite d'un poste d’observation et de tir de défense italien dans un blockhaus - en partie souterrain - aménagé sur le sentier de la Côte Névachaise. Ce blockhaus à été construit sur trois niveaux différents. Le 10 juin 1940 le brouillard a desservi les troupes italiennes, qui ne pouvaient tirer qu'au jugé.
Blockaus de tir italien près du sentier de la côte Névachaise (rochers de la sueur)
Les constructions étaient modestes côté français, plus impressionnantes côté italien. Ayant descendu un escalier d'une trentaine de marches pour atteindre les galeries de tir et d'observation il nous a fallu gravir quelques échelons pour accéder aux postes de tir. La casemate devait être prévue pour environ sept personnes. La forêt, de ce côté là, présente encore des pièges dont il faut se méfier: des pitons maintenant très rouillés, pas toujours très visibles dans l'herbe, et qui étaient destinés à soutenir les fils de fer barbelés.
Un câble monte-charges - dont on peut encore observer des éléments rouillés de la station de réception sur le bas du sentier de la Côte Névachaise - existait entre le Plan du Col (Pian del Colle, sur le territoire italien de Bardonnèche) et le Mauvais Pas. La présence d’autres ouvrages italiens sur les hauteurs de la fameuse Côte Névachaise a été évoquée lors de cette sortie.
Visite du blockhaus de tir bien visible dans les virages de la route du Mauvais Pas. Ce blockhaus, bâti profondément dans le sous-sol, présente au-dessus une tourelle de tir métallique facilement repérable...
Blockaus de tir italien au Mauvais Pas (Col de l'Echelle) et dispositif de communication optique / lumineux...
Blockaus de tir italien au Mauvais Pas (Col de l'Echelle) : intérieur de la tourelle
Dans ce second blockhaus, nous avons suivi sur une centaine de mètres une longue galerie souterraine - passant probablement sous les virages de la route actuelle - et qui aboutit à un éboulis devant une porte métallique condamnée. Cet accès - n’ayant pas encore été exploré - donne probablement sur le bas de la vallée Étroite. Un dispositif de communication lumineux était installé à l'entrée du blockhaus et permettait d'envoyer des signaux pour communiquer plus rapidement avec les postes situés à la jonction du talus et des falaises de l'Aiguille Rouge.
Nous avons rejoint la tourelle surmontant le blockhaus. D'un poids évalué à une cinquantaine de tonnes, celle-ci n’a pas pu être fabriquée sur place. Des entreprises de maçonnerie italiennes étaient employées (c’était le cas également du côté français) pour la construction de ces éléments de ligne de défense.
Nous avons terminé ce petit circuit de découverte par la visite de deux autres blockhaus italiens : l’un que je prenais en hiver pour un rocher couvert de neige, et l’autre directement construit dans la roche.
Tous les deux présentent de larges ouvertures pour canons anti-chars, orientées vers le sud (lignes françaises). Il faut dire que ces armes lourdes avaient champ libre sur un environnement dégagé...
Blockaus de tir italien au Col de l'Echelle
Christian Rau,
avec mes remerciements à Roger Revuz, professeur d'histoire.
Névache et sa Vallée - Gabrielle Sentis - 1997 (p. 27…)
Une Soupe aux Herbes sauvages - Émilie Carles - Ed 1997
p 241-242 (Une drôle de guerre)
et p.272
“Le Fort de l’Olive” de Charles Crozat (1936)
Clarée - René Siestrunck - Éditions Transhumance 2017
p 26 à 30 - Militaire malgré elle
p 75 à 78 - L'Échelle et la Vallée étroite. Il y est question du MalPas ou “Mauvais Pas”...
p 79 à 82 - Le Fort de l’Olive et Entre France et Italie, le “Mauvais Pas
Névache au Fil du temps - Savoir
Si - 06/2015 - p 130 à 134.
Adrien et Émilienne, deux enfants du Pays - Martine Vachet - Éditions des Hautes-Alpes, juin 2018 ( p 57 à 59 - L’évacuation de Névache ) , p 61 à 63 - les combats - p. 90 (bombardements) , p 110 à 113… )
Autrefois la vallée de la Clarée - Jean-Louis Gonon - Éditions du Fournel, 03/2016 - p. 72, p. 80_82 (Les Acles)
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